Dans les années 1960, les administrations scolaires de l’Alberta faisaient de la publicité dans les grands journaux et les écoles normales des Caraïbes anglaises pour recruter du personnel enseignant. Quand la nouvelle s’est répandue dans les îles, familles et particuliers ont tôt fait de délaisser la chaleur tropicale pour s’installer dans la zone tempérée de l’Alberta. Ils venaient de la jolie Guyana, terre riche en minéraux, des îles jumelles Trinité-et-Tobago, là où le carnaval est roi, et de la Jamaïque, une destination touristique de choix dans les Caraïbes.
À leur arrivée, la plupart des enseignants ont travaillé dans les écoles rurales des Premières Nations et des collectivités nordiques. Ils ont occupé des rôles de directeurs d’école, de surintendants, de spécialistes en arts industriels ou en arts ménagers ainsi que d’enseignants en classe. Après des années de service dévoué, certains se sont installés à Edmonton pour rejoindre leur cohorte, où ils ont mis sur pied des églises, des salons de coiffure, des événements communautaires et des organisations de toutes sortes. L’apport des enseignants noirs des Caraïbes ne se limitait pas à l’école, car ils ont également joué un rôle dans la mosaïque culturelle d’Edmonton.
Bernadette N. Swan est arrivée en Alberta avec des rêves aussi grands que le puissant Amazone traversant sa patrie de la Guyana. À Edmonton, elle a concrétisé ses rêves en portant plusieurs chapeaux. Elle a fait partie de l’Alberta Advisory Council on Women’s Issues et de l’Alberta Status of Women Action Committee. Elle a également présidé le Native, Immigrant and Visible Minority Women’s Committee et fait partie du conseil de la Black Women’s Association of Alberta.

« Dans mon cœur, j’ai toujours eu un petit faible pour les gens âgés. Au fil des ans, j’ai réussi à cerner les besoins des gens âgés noirs. C’est ce qui m’a incitée à fonder la Social Care Foundation au Bill Reeves YMCA à Edmonton. De nombreuses personnes âgées sont aux prises avec des troubles mentaux, physiques ou autres. Cette fondation vise à combler les besoins des personnes âgées à faible revenu qui ont besoin d’un logement abordable, de services alimentaires et de services sociaux. »
Le 18 juin 2013, Bernadette a été admise au temple de la renommée de la Ville d’Edmonton. Des membres des chorales In Harmony et Echo Tones étaient présents. Il s’en est fallu de peu pour qu’ils entonnent ce chant folklorique jamaïcain : « Mek we dance an sing, jump and play ring ding, eena City Hall ».
Earl Ellis, enseignant de musique et maître d’un orchestre de bidons, est originaire de Trinité-et-Tobago. Il a enseigné la musique à l’école Glen Allan de Sherwood Park et enseigné la dynamique de l’orchestre de bidons aux enfants et aux adultes. Ses efforts ont catalysé la création du Pepper Seed Steel Orchestra où des adultes et des enfants jouaient ensemble.


Lors des concerts, ces chorales fascinaient leurs auditoires avec leurs chants folkloriques, spirituels et gospel ainsi qu’avec leur musique populaire et contemporaine, accompagnés de l’orchestre de bidons des plus vivifiants. Ces chorales se sont données en spectacles auprès de centres de soins de santé, de groupes communautaires et d’événements ethniques. Peut-être les avez-vous déjà entendues chanter des cantiques de Noël à l’Assemblée législative de l’Alberta au son surréaliste de l’orchestre de bidons vous invitant à « célébrer la saison »? Les chorales, maintenant retirées, chantaient tous les ans au service du jour du Souvenir pour les résidents âgés du centre d’hébergement de Kiwanis.
À la même époque que les chorales étaient actives, Sharlene Thomas a formé le Movements Afro-Caribbean Dance Ensemble. La création de Movements visait à rendre hommage au leader sud-africain, Nelson Mandela, à sa sortie de prison. Les danseurs, vêtus de costumes des plus magnifiques, donnaient des spectacles hors du commun.
Disc jockeys like Merritone, Disco Shack, and Sound Explosion, frequently played at Eastwood and Hazeldean community centers. On weekends, people danced the nights away to a steady mix of island beats (reggae, calypso, soca). Music was perhaps the greatest unifying force between Blacks and the dominant population in Edmonton.
Le pasteur Hopston Samuels, « l’homme à la guitare », était venu de la Jamaïque en 1969. Depuis, il a fait partie de missions pastorales et fait du bénévolat à Edmonton. Il a été pasteur de l’église baptiste Shiloh et implanteur d’église pour le One Accord Bible Fellowship. Le pasteur Samuels aime faire l’enseignement de la Bible et chanter au centre Norwood Extended Care. Ce pasteur occupé fait aussi du bénévolat à l’Hôpital de réadaptation Glenrose, en plus de visiter les maisons de santé régulièrement. Chez les Noirs, on le considère souvent comme un griot.
Les Noirs des Caraïbes ont également laissé leurs traces d’excellence dans le domaine de la médecine. Plusieurs personnages importants de ces vagues d’immigration ont joué un rôle clé dans la santé publique.
Brian C. Alleyne, FILMT, BSc, MSc est un scientifique possédant des qualifications exceptionnelles du Medical Laboratory Technology and Medical Research (Trinité-et-Tobago), du Royaume-Uni et de l’Institut de recherches cliniques de Montréal. Il a intégré les rangs du personnel d’Alberta Occupational Health and Safety en 1987, où il surveillait la santé des travailleurs en tant qu’épidémiologiste. Il a également été professeur associé à la faculté de médecine de l’Université de l’Alberta, où il a enseigné l’épidémiologie jusqu’en 1996. Brian fait du bénévolat avec les œuvres de bienfaisance pour enfants du Club Progrès du Canada, avec CANstruction Edmonton et avec les Jeux Olympiques spéciaux. L’épouse de Brian, Antoinette, a étudié au campus de l’Université de l’Alberta alors qu’il y enseignait.
Antoinette Alleyne BSc, MHSA a reçu un diplôme de l’école de santé publique de l’Université de l’Alberta en 1987 et un diplôme en administration des services de santé en 1988. Elle est également membre du Collège canadien des leaders en santé depuis sa création en 1989 jusqu’à ce jour. Antoinette a servi de conseillère au sein de la commission du premier ministre sur les soins de santé des Albertains en 1988. En 1989, elle a ouvert son propre cabinet spécialisé en administration et en services de santé (planification et politiques).
Elle a aussi été professeure associée à l’Université de l’Alberta dans les années 1980, où elle a coordonné les stages d’ergothérapie à la fondation des hôpitaux de l’Alberta pour la faculté de médecine de réadaptation. Plus tard, elle a été chargée de cours à temps partiel à l’école de la santé publique. Maintenant qu’elle est à la retraite, Antoinette est une bénévole dévouée.
Anne Walters, BSc a été la première pharmacienne noire autorisée de l’Alberta. Originaire de Guyana, elle a été diplômée de l’Université de l’Alberta en 1972. En 1977, Anne et son mari Maurice (également enseignant de Guyana) ont été les premiers Noirs d’Edmonton à posséder et à exploiter une pharmacie, du nom de Plaza Drugs.
Au département de pharmacie de l’Université de l’Alberta, Anne a supervisé les étudiants étrangers et évalué les étudiants de dernière année dans le cadre des examens cliniques objectifs structurés. Anne est maintenant à la retraite, mais elle travaille comme suppléante pharmaceutique en ville.
À ce moment-là, les efforts de recrutement dans les Caraïbes étaient axés sur les enseignants et c’est ainsi que les enseignants noirs ont joué un très grand rôle dans le monde de l’éducation à Edmonton. Hazel Ermine Rogers et Gloria V. Burke, PhD ont joué un rôle particulièrement important.
« Quand j’ai quitté Worsley (division scolaire de Fairview, je me suis installé dans le comté de Leduc et j’ai travaillé à l’école primaire de Corinthia Park. À l’époque, le gouvernement conservateur, dirigé par Peter Lougheed, était au pouvoir et Dave King était ministre de l’Éducation, raconte Hazel. Un des mandats de Dave King consistait à faire réviser le programme d’études sociales pour qu’il tienne mieux compte de toutes les communautés canadiennes. J’ai fait partie, bénévolement, du groupe de travail qui a préparé le nouveau matériel et en a assuré la mise à l’essai. Les nouvelles ressources et la nouvelle matière (M-12) ont été placées dans des trousses intitulées Kanata, « Canadian Communities, Same or Different » qui ont été distribuées dans les écoles de l’Alberta. »
Les trousses Kanata comprenaient une reconnaissance thématique à l’endroit de la famille d’Hazel. Les écoles primaires de la province pouvaient désormais identifier une famille noire faisant partie des communautés canadiennes, apprenant aussi à leur sujet par la même occasion.
Le grand rôle qu’a joué Hazel dans le district scolaire de Leduc a été reconnu par le ministère de l’Éducation, si bien qu’en 1990, elle s’est vue remettre le prix d’excellence en enseignement.
Gloria V. Burke, Ph.D., Ed. Admin , intellectuelle de renom, spécialiste en langue anglaise et experte en mouvement de l’éducation physique, a travaillé à l’école catholique Archbishop O’Leary. Dans le cadre de ses activités parascolaires, elle est devenue entraîneuse des meneuses de claque de l’école. Gloria Burke a aussi fait du bénévolat dans sa communauté. Elle a enseigné l’anglais langue seconde aux adultes en plus d’avoir été entraîneuse et arbitre en netball. Elle a aussi été cheffe de l’accréditation pour les Jeux du Commonwealth qui ont eu lieu à Edmonton en 1978.
Gloria Burke était native de la Jamaïque. À son arrivée, elle était déjà une professionnelle aguerrie, ayant fait sa formation en pédagogie au collège St. Josephs de la Jamaïque, en éducation physique au collège Chelsea de l’Angleterre et en administration scolaire à l’Université de l’Alberta. C’est avec fierté que Gloria Burke a fait son stage doctoral au bureau de Nancy Betkowski, alors ministre de l’Éducation du premier ministre de l’époque, Don Getty. Elle a regagné la Jamaïque vers le milieu des années 1980.
À peu près au même moment, la Ligue des Noirs du Canada a créé une nouvelle section à Edmonton.

Ligue des Noirs du Canada – Section d’Edmonton
C’est en 1986 que la section d’Edmonton de cette ligue a vu le jour en tant que filiale de l’organisation fondée à Toronto en 1969 par Wilson Head, PhD, qui en était le président à l’époque. La ligue de Toronto avait été créée pour soutenir les étudiants noirs de l’Université George William (maintenant Concordia), qui avaient déclenché une émeute sur le campus en raison du système d’évaluation injuste. L’objectif voulait que la Ligue devienne la voix unifiée des Noirs à l’échelle du Canada.
La section d’Edmonton de la Ligue des Noirs du Canada commandite les activités du mois de l’Histoire des Noirs en février. Ces activités sont couronnées par un banquet où des prix d’excellence sont décernés aux personnes de couleur pour souligner leurs réalisations. La section d’Edmonton participe également aux journées culturelles de l’Alberta, organise des ateliers en santé et en bien-être, fournit des programmes aux écoles, organise des cours de couture pour les jeunes et mène à bien le programme « Bridging the Gap » qui a pour but de rapprocher les jeunes et les personnes âgées.
Dre Mertella Montague, ancienne professeure au Collège Keyano et cheffe du département de psychologie du Collège tribal Yellowhead, a été la plus récente présidente de la Ligue. En partenariat avec l’Alberta Treasury Board, Dre Montague a coordonné un programme d’entrepreneuriat pour aider les jeunes noirs à réussir en affaires.
Les jeunes qui choisissaient de se lancer dans le domaine de la coiffure faisaient souvent leur stage dans des salons appartenant à des propriétaires de Trinité-et-Tobago, comme Hair by U’ Dell (appartenant à Delores Barker, maintenant à la retraite), Ebony and Ivory (appartenant à Shirley Turner, également à la retraite) ou King’s Barber, appartenant à un Jamaïcain.
Le salon King’s Barber appartient au Jamaïcain Ransford Perry depuis 1982. Il a enseigné son métier à de nombreux étudiants. Au fil des ans, il a acquis une solide clientèle, dont des membres de l’équipe de football d’Edmonton, des Oilers d’Edmonton et d’autres athlètes. Perry a fait l’objet d’un reportage réalisé par Min Dhariwal, de CBC, pour son apport de longue date à la Ville d’Edmonton.

Un autre groupe axé sur l’amélioration de la vie des jeunes et des communautés porte le nom de Pride of Alberta Lodge No 1. Ce groupe fait partie de la Fraternité Prince Hall et d’une institution d’envergure mondiale affiliée à l’Edmonton Grotto Club. L’objectif de ce groupe consiste à faire « des bons hommes des hommes encore meilleurs ». Il se concentre sur le bien-être des hommes en leur enseignant à voir plus loin qu’eux, à renforcer les liens avec leur famille ainsi qu’à reconnaître les besoins de la communauté et à y répondre. Ce groupe fait des dons à l’Hôpital Stollery pour enfants et à la Société du cancer en plus d’attribuer des bourses d’études à des étudiants du postsecondaire.

Walter Subadan (première rangée, 5e à partir de la gauche), ancien enseignant, est le plus vénérable frère du Lodge. Il supervise le groupe et montre aux nouveaux membres comment diriger les réunions conformément aux principes de la fraternité. Pendant que les membres participaient aux réunions, leurs épouses jouaient au netball et apprenaient à mieux se connaître en faisant du sport. Des femmes comme Etty Cameron avaient l’occasion de rencontrer des sportives comme elles en provenance des Caraïbes. Elles ont formé le club de netball Carican. Elles s’entraînaient à l’école secondaire J.H. Picard.
L’ajout de nombreux clubs de netball à Edmonton a donné lieu à la création d’un organisme de réglementation provincial, l’Amateur Netball Association (ANA), affilié à l’Association canadienne de netball amateur (ACNA) à Toronto. L’ANA organisait des matches interclubs et des tournois provinciaux, tandis que l’ACNA organisait les compétitions d’envergure nationale. Des joueurs d’Edmonton, de Lacombe et de Red Deer composaient l’équipe de l’Alberta.

Le financement servant à l’entraînement et à la promotion du netball provenait de l’Alberta Sports Council, d’Alberta Casino et de STEP. Les tournois avaient lieu au Kinsmen Fieldhouse au grand plaisir des spectateurs. Les tirs au panier se faisaient avec une précision incroyable dans un panier sans panneau.
Les enseignants des Caraïbes, avec tout leur entrain, ont laissé leur marque dans le monde scolaire d’Edmonton, à tous les niveaux, ainsi que dans la communauté en général. Ils sont devenus des leaders et ont joué un rôle unificateur au sein de la communauté. Les enseignants noirs et leurs cohortes sont fiers du fait que les prochaines générations suivent leurs traces dans la ville, en fonction de l’air du temps.
Etty Shaw-Cameron © 2021